Zoom : Les différentes formes d’engagement et un grand témoin

Comment agir au bénéfice des patients ?

Sylvain Fernandez-Curiel présente les différentes formes d’engagement, de l’origine de l’engagement aux différentes formes qu’il revêt aujourd’hui. Et les différentes appellations ne manquent pas : pair-aidant, patient expert, patient partenaire,… qui donne le sentiment d’un enchevêtrement alors même que l’objectif initial est la collaboration au service de patient.

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Un grand témoin : Marie Ange

« Tout d’abord, j’avais listé tout ce que ma maladie me renvoie ou renvoyait : l’errance médicale ; la non-écoute des médecins ou les consultations faites en 5 minutes ; la fatigue inexpliquée ; la douleur ; ma maladie imprévisible et évolutive ; l’incompréhension ; le handicap ; le travail ; la remise en question ; les traitements lourds ; la famille et l’entourage ; le jugement ; ma copine à vie ; le cancer.

Tout commence post partum avec un accouchement traumatisant il y a plus de 11 ans. Une césarienne réalisée au bout de plus de 48 heures avec complications pour moi et mon fils qui est en souffrance cardio respiratoire. Il sera d’ailleurs transféré en réanimation néo-nat tout de suite. J’ai juste le temps de lui dire « bonjour Jean-Daniel ». Je n’oublierai jamais ce moment bref de présentation de toute ma vie. Et moi, épuisée, à bout de force, consciente que rien ne se déroule comme il faut.

Je subis à ce moment-là des traumatismes physiques et psychologiques, mais que j’identifie 2 à 3 mois après car je n’arrive pas à rebondir ;aussi là où débute mes douleurs articulaires « en périphérie ». Douleurs aux mains, aux pieds, aux genoux, aux épaules. Douleurs nuits et jours. ..

Suivie déjà à Marseille pour une maladie coeliaque, et dans le flou complet, nous décidons avec mon mari de prendre rendez-vous en médecine interne auprès du même Professeur qui me suivait auparavant. Là, débute une batterie d’examens : bilans sanguins (marqueurs de maladie auto immune positif), radiographies…, mais rien n’est vraiment très concluant. Le Professeur me prescrit un traitement anti inflammatoire, puis de corticothérapie. Cela dure quelques mois. Quelques mois d’allers et retours à Marseille ; de grande fatigue, d’épuisement moral et physique en plus de la reprise de mon travail à l’époque (j’étais aide-soignante en chirurgie en 12 heures).

Traitements qui ne me soulagent pas. Et mise en place pour finir d’immunosuppresseurs couplés à la corticothérapie.

De la micro-chimio, avec tous les effets indésirables qui vont avec : perte de cheveux mais pas la totalité, nausées, maux de ventre…Les douleurs périphériques s’amenuisent enfin ! Je me dis que c’est un traitement lourd mais que si cela me permet de pouvoir continuer à vivre normalement et surtout de pouvoir élever mon fils correctement alors, allons-y. Ma seule préoccupation est d’élever mon fils. D’ailleurs je puise ma force en lui chaque jour pour continuer d’avancer.

Manque de bol, je commence à avoir mal au dos, au sternum, au bassin… On refait un énième point avec le Professeur et elle me dit qu’elle ne peut plus rien très clairement et que « c’est dans ma tête ». …Elle ne me reverra plus jamais.

Mes douleurs s’intensifient jour et nuit. Je ne dors quasiment plus. Je mets plus de 30 minutes à sortir de mon lit tous les matins. Mon mari voit que ça ne va pas. Mon boulot devient très pénible et éreintant : charge malades…

Je ne fais plus aucun sport. Je me traîne. Je dirais même que je survis.

Je ne veux pas m’arrêter de travailler. Je dis « mon corps est fatigué et ne me suit plus, mais ma tête va très bien ». Je décide de demander mon congé de formation professionnelle, qui m’est accordé, pour me reconvertir en diététicienne. Diplôme passé avec le CNED que j’aurai à force de travail en 2 ans, sans répit mais je savais ce que je voulais ; c’était de pouvoir continuer à avoir une vie sociale active comme Mr et Mme tout le monde.

Pour en revenir à mes nouvelles douleurs, étant dans le médical, je commence à me renseigner et à lire. A m’informer, et pour moi cela est de plus en plus évident, je souffre de spondylarthrite ankylosante. Comme j’ai cessé d’aller à Marseille, je me dirige vers un rhumato à Ajaccio.

Première consultation faite en 5 minutes, et une écoute sans écoute… J’ai la sensation que je continue encore à perdre mon temps car il me propose la même thérapeutique que j’avais déjà faite au départ.

Mes douleurs sont plus que présentes et je vis un calvaire.

Je décide alors d’écrire un courrier à ce rhumatologue. Je me dis qu’en faisant cela, il comprendra ma détresse et qu’il pourra m’aider. Je lui liste les moindres détails de mon mal-être, des difficultés rencontrées dans mon quotidien, dans ma vie de femme, de mère, d’épouse. Je lui détaille le corps de mes parents qui souffrent de maladies rhumatismales.

Coup de chance, il m’appelle et me propose de prendre un rendez-vous à Nice avec un professeur spécialiste de la spondylarthrite ankylosante. Et là, tout va s’éclairer, malgré toutes les difficultés rencontrées, ce professeur pose le diagnostic de « spondylarthrite ankylosante ». Mise en place d’un traitement adapté : immunosuppresseurs et biothérapie. Je commence enfin à souffler et à être soulagée.

Mon rétablissement commence à ce moment. Je me suis fait une raison et j’accepte ma maladie maintenant depuis bientôt 3 ans, et d’ailleurs je l’appelle ma copine la spondy.

Elle guide ma vie depuis plus 10 ans aujourd’hui. Je me suis adaptée à elle pour ma vie au quotidien, de femme, de mère, d’épouse.

Voici ce que j’ai appris pour mieux vivre avec cette maladie ? Copine la spondy ?

Concernant les douleurs la nuit et le jour, beaucoup moins heureusement. Je me cale avec un coussin entre les jambes, ma tête sur l’oreiller. Je me suis acheté un coussin aux graines de lin à chauffer que je pose à l’endroit où j’ai mal ou tout simplement pour me décontracter. Mon mari le vit mieux aujourd’hui.

Concernant mon mari, avant je gémissais la nuit à cause de la douleur et cela le réveillait. Il était très inquiet. Maintenant il sait qu’on ne peut rien et que ça arrive lors de poussées. Mon mari et mon fils ont intégré le fonctionnement de la spondylarthrite. J’ai appris qu’il est important que nous en parlions beaucoup. Ils sont rassurés aujourd’hui.

Je vais marcher minimum 45 minutes par jour car je sais que l’ankylose s’installe vite au niveau de mes hanches si je ne suis pas active. J’ai renoncé à la course que je faisais régulièrement. J’ai intégré ces temps de marche, et parfois de randonnées, comme une bénédiction.

J’ai été élevée à la campagne et pour moi ces moments « de nature » sont mon bol d’air, mes moments de décompression et de ressourcement. Je peux toujours en profiter et je le fais différemment.

Avec le recul, je sais maintenant que rester assise sur une chaise trop longtemps me verrouille le bassin. Je pense à me lever régulièrement pour m’activer. Aussi, je place un coussin sous les fesses pour éviter que les zones d’appui sacro iliaques soient douloureuses.

Ma mémoire… de poisson rouge. Mon fils et mon mari me rappellent souvent les choses car j’oublie. Voici comment j’ai appris à faire avec cette difficulté. Je ne sélectionne que ce qui m’est important. Pour ne pas oublier, je marque sur des post-it, je me prends des notes ou bien je dis simplement que je risque d’oublier. Je préviens… Je ne retiens pas à cause de la fatigue ou du manque de sommeil.  

Je prends le temps de me reposer ou d’aller me coucher lorsque je vois que j’ai « le coup de barre » qui vient spontanément. Je ne lutte pas, j’accepte car je suis incapable de faire quoique ce soit. Je suis vidée d’un coup et seul le repos et dormir me permettront de me recharger.

J’ai aussi appris à gérer les nausées post chimio tous les vendredis et biothérapie tous les 15 jours. J’ai avec moi un flacon d’huiles essentielles de menthe poivrée que je respire et qui me soulage.

La liste des apprentissages liés à cette expérience est longue ….

Pourquoi la pair aidance ? Depuis mars 2021, j’ai créé une association de non fait ainsi qu’un groupe sur Facebook appelé Corsica Spondylarthrite. Face à la souffrance témoignée par de nombreuses personnes de mon entourage, je décide de fonder ce groupe pour toutes les personnes concernées par cette maladie. Ce groupe est un lieu d’échange bienveillant sur le sujet, sans jugement. Tout le monde peut y apporter son aide, son expérience de vie. J’y propose une écoute globale, des rendez-vous entre les participants (spondy café, spondy resto…). Le groupe de parole offre une écoute et un accompagnement quotidien. L’objectif est de pouvoir les aider/ de s’entraider et de montrer que l’on peut continuer à vivre avec la spondylarthrite, qu’on peut avoir une qualité de vie meilleure.  

Et puis, la chance un jour, de participer à une formation sur la pair apidance et de rencontrer Mme Eve GARDIEN, maître de conférence et sociologue très engagée sur la recherche scientifique en pair aidance. Elle m’invitera à participer au forum citoyen sur la pair aidance à Rennes en mai 2023. Que dire de cette fabuleuse expérience que je partagerai avec mon mari ?

Rencontrer des gens de tous horizons, atteints de handicaps moteur, physique, et psychique. Un partage d’expérience entre pairs. C’était fantastique, très émouvant. Nous nous sommes livrés sur nos expériences de vie comme si nous nous connaissions depuis très longtemps.

Au milieu de tout cela, il y eut à vivre aussi un début de cancer du col de l’utérus. Peu de temps après avoir mis en place mon traitement de chimiothérapie. Là commence le bal incessant des allers- retours Ajaccio/Marseille pendant 6 mois. Prise en charge très rapidement par l’équipe de l’Institut Paoli Calmette. J’ai la chance de tomber sur une gynécologue très à l’écoute. On évite la catastrophe. Mais je dois dire que je partais la boule au ventre avec toujours l’appréhension de ce que j’allais devenir. Je pars seule car mon mari doit s’occuper de notre fils qui n’a que 2 ans.

L’angoisse, la peur, le stress m’envahissent à chaque départ. Je n’oublierai jamais les couloirs d’attente, les salles de prélèvements, les équipes, les internes… tous ces gens, patients, qui attendent leur tour. Des images qui resteront gravées en moi comme dans le marbre. L’attente des résultats à chaque prélèvement… que vais-je devenir ? Vais-je avoir encore la force de continuer ? C’est un grand chamboulement en tant que jeune maman, compagne.

Il m’arrive d’aller travailler la canne à la main, de ne pas pouvoir faire 2 pas sans être essoufflée, d’avoir des malaises vagaux…. Je reste combative malgré les embûches santé de mon quotidien.  

Ma maladie ne cesse d’évoluer malgré les traitements. On vit au jour le jour, toujours dans l’appréhension du bal incessant des examens, des rendez-vous médicaux… on se fait une raison, il y a des jours avec et des jours sans.

Mais il ne faut jamais perdre espoir et tenir bon ».

1 Comments

  • Zammit dit :

    Merci pour ce temoignage, il me touche particulièrement surtout que vois avez su reconnaître votre mal des vôtres jeune âge… et votre parcours dans cette maladie et très éprouvant, je vous souhaite beaucoup de force pour la combattre…
    Pour parler de moi je suis aussi atteinte de 3 maladies auto-immune la spondylarthrite ankylosante, la maladie de Behçet, et la maladie d’Ashimoto… j’ai réalisé à l’âge de 61 que cela n’était pas annodin, car je passe de plus en plus par des
    Périodes de grosses fatigues, de déprime, mon physique en a pris un coup et mon morale et souvent en berne, j’ai la chance d’être forte, d’avoir autour de moi des amies qui sont elles même atteintes de différentes pathologies invalidantes….La mer et la montagne « Mare e Sole » sont mes reconforts je bouge beaucoup je suis active autant chez moi que dehors, je reprends les séances de kiné mais je n aime pas les contraintes … je fais mes exercices dans l’eau de mer, marche souvent … bref!!, c »est comme ca…
    Metci pour votre témoignage
    Bonne et heureuse année remplie d espoir d’amour et de partage…

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